Atelier de Jean-Pierre ALAUX

Se plonger dans l’œuvre de Jean Pierre Alaux est à la fois un voyage surréaliste et une expérience métaphysique. Ses toiles rendent compte de ses préoccupations et de ses fantasmes par l’intermédiaire de personnages, d’objets symboliques, d’architectures ou de paysages, d’associations d’idées et de formes. Sa peinture a toujours été à contre-courant des modes et difficile à classer.

Son œuvre sculptée reste une immense curiosité. Tel un anthropologue, l’artiste isole les objets de leur usage pour leur donner une nouvelle âme. Un bois flotté s’anime avec deux pierres en guise d’yeux. Associations improbables, détournements humoristiques, Alaux joue avec les représentations. Il développe un langage de jeu-de-mots pictural et nous propose des rébus humoristiques et raffinés. Alaux sculpte en taille directe le bois, la pierre et l’os. Il pratique le modelage et l’assemblage avec une technique personnelle (sciures de bois et colle vinylique ou résine), bois flottés, branches, ferraille, fils de fer. Inexistantes sur le marché des ventes publiques, ces sculptures sont présentées pour la première fois lors de cette vacation.

Jean-Pierre Alaux pourrait être qualifié de symboliste, onirique, fantastique, réaliste voire surréaliste. Les allusions poétiques, musicales ou littéraires se mêlent à l’humour ou à la fantaisie avec les portraits de La Fontaine, George Sand, et d’autres… Esprit inventif, épris de symboles, de mythes et de métamorphoses, l’artiste exprime son gout du merveilleux, de la luxuriance baroque, de l’insolite. Ses obsessions philosophiques et métaphysiques se rassemblent dans ses toiles avec poésie, mystère et humour. Comme les surréalistes, Alaux est persuadé qu’il existe une réalité supérieure dans certaines formes d’associations, comme entre autres la toute-puissance du rêve ou le jeu désintéressé de la pensée. Il se plaît aux rapprochements inattendus entre des termes apparemment inconciliables. Il fait jaillir un sens neuf ou, comme le dit Breton, « une lumière particulière, lumière de l’image ». Flirtant avec l’ésotérisme, mettant en scène le temps qui s’écoule comme une fatalité humaine et se jouant des postulats religieux, Alaux interroge le sens de notre existence. Le peintre semble composer dans ses sculptures et ses toiles, un antidote à la peur des ténèbres et à l’angoisse du temps qui passe.

A l’instar des peintres-alchimistes du Moyen Age ou de la Haute-Renaissance, Jean-Pierre Alaux s’essaye avec la même conviction que ses paires, à la transformation symbolique des métaux en or et la recherche de la vie éternelle. Il met en scène ces objets intrigants et magiques que l’homme inventa pour mesurer le temps, l’espace et la vie, lui donnant ainsi, l’illusion de les contrôler. Globe terrestre, boussoles, sphères armillaires et astrolabes, s’agissant de la maitrise de l’espace et de la géographie. Sablier, juge du temps, horloges et cadrans solaires, métaphore du temps qui passe. Le bilboquet, symbole absolu du combat de l’homme avec le hasard et les forces de l’apesanteur et du mystère de la conjonction des éléments sur le sort de la boule de bois. La balance, le mystérieux polyèdre et le globe terrestre, sont encore tant d’objets emblématiques que l’on retrouve dans son atelier et ceux de Brueghel l’Ancien ou de Durer. On aurait pu intégrer Jean-Pierre Alaux dans la catégorie des peintres alchimistes modernes.

Jean-Pierre Alaux peuple son univers de chimères, licornes, femme tentatrice ou abandonnée. L’être humain semble faire partie de ce monde où la rationalité est remplacée par la poésie, mélancolique ou teintée d’ironie sur le sort de l’Homme. Il représente par allégories, ses questionnements métaphysiques et les méandres de ses tentatives de réponses. Alaux interroge les ténèbres et la mort. La tête de mort, très présente, rappelle au monde des vivants, la fugacité de cette existence. Les miroirs renvoient le reflet de la fragilité humaine. Les masques symbolisent la double nature de la personnalité. Enfin, l’escalier très souvent représenté, semblent rappeler urgemment que l’existence est comme un escalier montant vers un avenir indéfini, tandis que les rivages maritimes nous remémorent l’infini recommencement qui préside à nos existences.